Pleine lune...

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Jour de pleine lune. Les jours de pleine lune étaient pour Artémis des journées particulièrement atroces depuis qu’elle avait tenté de mettre fin à ses jours. Le tatouage apparu cette nuit-là sur le dos de sa main la brûlait lorsque la lune formait un disque jaune parfait. Ces jours-là également, elle n’arrivait pas à contrôler sa vue, voyant l’infiniment petit dans les grandes proportions. Ses empreintes omniprésentes dans son vieux studio, le moindre coup de pinceau sur ses toiles qu’elle pouvait tout à fait dénombrer, chaque fibre du bois composant le parquet de la petite pièce exiguë qui lui servait de chambre, cela lui était insupportable et même en se réfugiant dans le noir, elle percevait tout autour d’elle. Les jours de pleine lune, Artémis ne les supportaient plus.

Enfin, la nuit se présenta et sa migraine s’estompa, elle contrôlait de nouveau son environnement. Si les jours lui étaient insupportables, au moins elle pouvait profiter de la nuit. Elle sortit de son studio et dévala les marches jusqu’au rez-de-chaussée de l ‘immeuble. La proprio l’intercepta pour réclamer son loyer. Artémis la fusilla du regard et celle-ci battit en retraite. Elle paierai la semaine suivante et rendrai même les clés, s’étant décider à emménager dans la vieille bâtisse de son enfance.

Elle poussa la porte et s’engouffra dans la nuit. Déambulant au hasard dans les rues, elle se dirigea machinalement vers l’endroit où elle aimait aller, quasiment pas fréquenté à cette heure tardive. Le parc. Elle passa l’entrée et se dirigea vers son lieu de prédilection, la place sous l’arbre de Jupiter. L’immense chêne déployait ses branches et offrait comme un abri, ses pieds étaient couvert de mousse et son tronc faisait office de dossier. Artémis s’installa, observant un moment le disque de la lune, son symbole, puis reporta son regard sur la pénombre. Le calme plat.

C’est alors que sa vision affûtée repéra des traces de pas au pieds de l’arbre contre lequel elle était appuyée. A la couleur de la terre, cela ne faisait pas longtemps qu’elles venaient d’être faites. Artémis, releva la tête, méfiante. Elle ne craignait rien, mais se faire prendre par surprise ne l’enchantait guère. Qui, à part elle, pouvait venir trouver refuge sous cet arbre, à une avancée si grande de la nuit ?

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Svetlana était arrivée deux jours auparavant en prenant un avion de nuit. Le jour même, l'achat d'un flingue et de ses munitions ainsi que la fourniture de faux papiers américains avaient eu raison du reste de ses économies. C'était la dèche... Mais c'est pas comme si c'était la première fois. Elle trouverait bien un moyen quelconque de se refaire.

Pour l'instant, elle avançait tranquillement dans le parc, les mains dans les poches d'une veste en cuir complètement élimée, un vieux morceau de mauvais cigarillo sud-américain entre les lèvres, éteint depuis ce qui semblait être des siècles. Dans son dos, la sensation rassurante de son calibre .454 planqué sous la veste. Pas discret, mais percutant. C'est l'essentiel.

C'est à pas complètement silencieux qu'elle était passée devant un arbre dont elle se fichait comme de sa première culotte. Toujours tranquille, elle s'était arrêtée quelques mètres plus loin pour admirer la vue d'un oeil parfaitement cynique, prenant le cigarillo usé entre ses doigts. Quelques minutes passèrent, pendant lesquelles elle entendit le mouvement de l'autre. Son mouvement avait été perçu du coin de l'oeil et sa présence, à une heure aussi tardive, aurait pu inquiéter n'importe quelle personne raisonnable. On est généralement plus nerveux, la nuit.

Svetlana ne bougea pas. Elle fit comme si elle n'avait pas repéré la nouvelle venue, se décida à balancer le cigarillo au sol, baissant un instant un visage sombre vers lui.

Regard fugitif destiné à identifier la personne adossée à l'arbre, puis retour au paysage. C'est dans un anglais teinté d'un léger accent slave qu'elle s'exprima :

"C'est une bonne nuit pour se retrouver seule et désarmée au milieu d'un parc..."

Elle ne parlait pas que de violeurs, de braqueurs ou autres junkies. Non. C'était peut-être aussi une occasion pour elle de boire un coup...

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Elle balaya très vite les alentours de son regard et la repéra avant même qu’elle ne se mette à parler. La silhouette se détachait plus loin dans le décor assombri par la nuit. Le léger accent de la personne lui fit comprendre qu’elle n’était pas originaire du nouveau continent. Artémis la détailla, l’obscurité ne l’empêchant en aucun cas de repérer le moindre détail. La jeune femme dans son accoutrement n’avait aucun signe de richesse et elle semblait bien plus forte que la fine Artémis. Elle avait aussi cette assurance déroutante, mais la jeune artiste ne se laissa pas impressionner. Elle répondit simplement :

- Agréable nuit, en effet…

Elle n’était pas particulièrement stupide, si elle n’avait pas été ce qu’elle était, sûrement ne se serait-elle pas aventurée seule, la nuit dans ce parc. Désarmée ? non, Artémis avait toujours généralement dissimulé dans la hauteur de sa bottine, un fin poignard au manche ouvragé, rare héritage qu’elle tenait de sa famille. Oh bien sûr, que pouvait un simple poignard face à d’autres armes beaucoup plus perfectionnées ? Pas grand chose, certes, mais on ne sait jamais…Enfin, sa seconde arme faisait partie intégrante de sa personne. Le contrôle quasi-total d’un élément naturel, le feu.

- Les apparences sont souvent trompeuses, le saviez-vous ?

De par ce fait, elle ne s’estimait jamais vraiment en position de faiblesse. Et caractériellement, Artémis n’avait peur de presque rien. La mort ? Peuh… elle n’avait pas voulu d’elle, une première fois, alors sans doute n’avait-elle pas envie de l’accueillir aussi vite en son monde. Et si elle mourrait, elle ne laisserait pas grand chose derrière elle et elle ne voyait vraiment pas ce qui pourrait lui manquait dans cette vie. Artémis se laissa aller contre le tronc de l’arbre sans cesser de fixer la jeune femme.

» Balade au clair de lune [Pour public averti]