Invocation ratée

Depuis que John Evans avait quitté l’Angleterre, il avait fait de nombreuses recherches dans le domaine des Ombres, ces rares surnaturels possédaient d’énormes pouvoirs très diversifiés. Certaines Ombres se cachaient et évitaient d’utiliser leur pouvoir, tandis que d’autres en usaient pour assouvir leurs désirs et accomplir leurs objectifs. L’un d’entre eux était Shade Twilight. Ce dernier semblait mettre tout en œuvre pour obstruer les pouvoirs des Ombres, ou ceux d’autres surnaturels comme les Vampires. Quant au sorcier, il cherchait le moyen de les asservir... Jusqu’au jour où il vit un petit parchemin où l’on parlait d’acquérir les pouvoirs des Ombres. Celui qui arriverait à faire ça pourrait devenir des plus dangereux, et surtout des plus puissants.

Le parchemin que possédait John avait été écrit par la main d’un sorcier du Cercle, l’organisation dont faisait autrefois parti Evans à Londres. Désormais, le sorcier avait une piste et se devait de trouver les réponses à ses questions. C’est alors qu’il eut une idée assez intéressante : il décida d’invoquer l’âme de Jack le Noir, celui qui avait été son mentor dans le Cercle. L’invocation des morts était un rituel bien ardu, il fallait des objets bien précis comme l’encens et des bougies. Mais surtout il fallait avoir une formule. Et même avec toutes les conditions, le résultat ne pouvait être garanti. Mais John Evans voulait quand même prendre ce risque.

Il devait d’abord décider du lieu du rituel, et choisit Santa Monica, être prés de la plage pouvait aider. Il loua une chambre dans un hôtel bien discret, et apporta tous le matériel. * Je n’ai rien oublié, je vais pouvoir commencer * Les rideaux ne laissaient aucune lumière pénétrer. Il y avait seulement la lumière des bougies qui avaient été apposées en forme de cercle. On pouvait sentir l’agréable odeur de l’encens, tout était près pour le rituel. C’est alors que John prit la parole :

« Esprit de Jack le Noir, viens à moi pour exaucer ma requête par delà du temps et de l’espace… »

Il demeura silencieux et méditatif attendant la venue de l’esprit, son rituel avait il véritablement réussit ?

[note : Je te laisse arriver Hesperus ]

[Eh bien, me voici ^^]

- Prenez place monsieur Lombard.

Un petit homme replet à la calvitie bien avancée entra dans le luxueux bureau du Docteur Noctifer. Comme les fois précédentes, il était étonné de constater combien cette pièce chaleureuse lui avait manqué depuis sa dernière consultation. Machinalement, il s’installa sur la méridienne de velours rouge sans même attendre que son psychothérapeute l’y invite. Le soleil couchant baignait la pièce d’une lumière dorée, agréable. Il était pratique que le docteur reçoive à toute heure, du moment qu’on y mettait le prix.

- C’est déjà notre neuvième séance ensemble, monsieur Lombard. Encore une, et vous aurez terminé votre thérapie. Vous êtes sur le bon chemin.

Hesperus avait parlé tout en se dirigeant vers son fauteuil. Situé derrière la méridienne où s’allongeaient les patients, ceux-ci ne pouvaient voir ce qu’il faisait, mais avaient une magnifique vue sur la baie vitrée, offrant une vue panoramique sur le célèbre quartier de Beverly Hills. Il était important que les patients qui venaient pour parler de leurs problèmes arrivent à « oublier » sa présence pour confier leurs plus profondes pensées. Cela avait aussi un coté pratique, pour faire des mots-croisés.

L’Esprit eu à peine le temps de s’installer que son patient du soir commençait déjà à raconter ses problèmes de la semaine passée. Monsieur Lombard était un homme comme Hesperus ne les supportait pas. Un homme malheureux, qui se complaisait dans son malheur, et aimait se plaindre et être plaint. Un homme qui ne faisait que subir sa vie au lieu de la vivre pleinement. Lors de la prochaine séance, il aurait enfin droit à un vœu. Et Hesperus sentait déjà qu’il allait bien s’amuser.

La veille, il avait réalisé le souhait d’un homme vraiment désespéré. Celui-ci subissait une enquête du fisc, et allait être dépouillé de tous ses biens. Comme si cela ne suffisait pas, sa femme avait décidé de le quitter. Il avait souhaité, lors d’une séance, ne plus avoir de problèmes que ce soit avec les impôts ou son mariage. Qu’à cela ne tienne, Hesperus s’en était occupé. Le matin de la saisie, l’huissier avait perdu le contrôle de son véhicule, et était rentré dans la vitrine d’une boulangerie. Coup de chance, la femme du patient achetait à ce moment précis son pain. Morts sur le coup. L’assurance vie permit au veuf de régler ses problèmes fiscaux…

Cela faisait déjà dix minutes que l’homme parlait, couché dans la méridienne. Hesperus restait toujours silencieux pendant ce genre de séances. Soudain, l’Esprit sentit une force l’appeler. Il reconnut rapidement les effets d’une invocation, ayant été la « victime » de ce genre de pratique plusieurs fois au cours de sa longue vie. Il maudit intérieurement l’insensé qui osait l’invoquer. Jetant un regard rapide à sa montre, il prit une position qui empêcherait le corps, une fois l’Esprit sorti, de tomber du fauteuil. Il avait trois quarts d’heure devant lui, avant la fin de la séance. Les chances que monsieur Lombard arrête de parler avant étaient nulles.

Quand il fut prêt, il cessa de lutter contre la force qui l’appelait. L’Esprit se désincarna et fut attiré à une vitesse fulgurante sur le lieu de l’invocation. Quand il quitta son corps, celui ne broncha presque pas. Hesperus était à présent dans une petite chambre d’apparence miteuse, de son point de vue en tout cas. La pièce était plongée dans la pénombre, les rideaux tirés bloquant les dernières lueurs du jour. La tapisserie ocre aux motifs marron foncé était d’un goût douteux.

Son regard se porta ensuite sur le reste de la pièce. Un petit lit, un bureau, un fauteuil. Il n’y avait pas grand-chose comme mobilier. Au centre de la pièce, des bougies, disposées en cercle, des cônes d’encens, et un homme. Hesperus l’observa en détail. Il prit son temps, n’ayant pas encore révélé sa présence. Elégant, sombre… Mais pas très expérimenté en matière d’invocation d’esprits, cela se voyait rapidement, vu le rituel utilisé.

* Des bougies et de l’encens… Non mais vraiment. Où sont les sacrifices ? Pas de sang ? Les temps sont durs… *

Finalement, Hesperus prit place dans le fauteuil, situé dans un coin sombre de la pièce. Il se « matérialisa » sous ses traits habituels. Il aurait presque pu se convaincre qu’il n’avait pas quitté son corps. Ses atours blanc immaculé ressortaient bien dans la pénombre, et même s’il n’avait fait aucun bruit en apparaissant, nul doute qu’il fut remarqué directement. Il se demandait vraiment ce qui avait pu pousser l’homme à se lancer dans un tel rituel. Peut être un souhait à exaucer ?

Bonsoir. Que me vaut « l’honneur » de cette invitation ?

Un souffle, un frottement léger. Les doigts masculins glissèrent sur la page imprimée pour en lisser le volume, profitant de sentir sous sa peau les petites lettres noires. Son corps était tout entier lourdement appuyé contre le dossier molasson de son fauteuil de salon. S’il avait été gratifié d’un jour de congé, et donc éloigné de la librairie, Gabriel n’en tenait pas moins un large volume entre ses mains, dévorant des yeux les lignes imprimées. La fenêtre proche le gratifiait d’une lumière naturelle bien plus agréable qu’une quelconque lampe de bureau. Lentement, l’homme se pencha en avant et tendit le bras pour attraper une bouteille laissée à même le sol. Il se saisit de son goulot et la porta à ses lèvres, dégustant une gorgée de bière. Durant tout ce temps, il n’avait pas quitté le bouquin des yeux, poursuivant imperturbable sa lecture…

Imperturbable ou presque.
Alors qu’il reposait sa bouteille, Gabriel sentit une sensation de malaise l’envahir. Son âme seconde, restée paisible durant quelques jours déjà, bougea légèrement en son sein. Quelque chose n’allait pas. C’était comme une onde s’insinuant à l’intérieur de son crâne. Soudain, plutôt que de bouger légèrement, la vieille femme réagit violemment en une secousse de rejet. Elle s’y serait prise de manière similaire si elle avait voulu quitter le corps qu’elle habitait. Or là n’était pas son intention.
L’âme mêlée de Gabriel se vit brusquement frappée par cette attaque interne. L’âme première sembla vouloir s’arracher de son propre corps à la suite de sa siamoise, tandis qu’un flot de sang jaillissait dans sa bouche.

L’action fut aussi courte que violente. La vielle femme commençait à retrouver ses esprits. Un appel étrange l’avait poussé à bouger, mais étrangement, son âme avait réagi sans l’assistance du corps qui la maintenait. Cette fois-ci, elle agrippa ses marques spirituelles à la peau de Gabriel pour le faire ouvrir les yeux. Etrange… Elle sentait un vide, un manque…

« Gabriel ! » souffla-t-elle, étouffant sa surprise.

L’âme masculine venait de disparaître ! Une folle angoisse étrangla la vieille qui se leva d’un bond, les mains cramponnées au fauteuil. Elle le cherchait, vainement, aussi bien de ses yeux physiques que spirituels. Ce fut au bout de quelques secondes qu’elle trouva l’entité : elle s’était terrée au fin fond des organes de ce corps masculin ; une âme meurtrie et ‘inconsciente’. Il était rassurant de le savoir présent, mais son état n’était pas une bénédiction…

Serrant les dents, la vieille femme sentit la colère monter en elle. Qui ferait du mal à Gabriel en paierait le prix cher. Elle s’élança dans l’appartement, recherchant l’équilibre sur les jambes masculines. Elle n’avait que trop peu pris le contrôle de ce corps pour le faire obéir… Après quelques zigzags, elle trouva la poignée de porte et sortit en courant d’air. Son regard furieux se posa sur les premiers passant qui, apeurés, pressèrent le pas en baissant la tête. Ils n’avaient rien à craindre, ‘Gabriel’ avait une cible bien particulière ; le corps trottina dans l’allée comme celui d’un homme saoul, tandis que l’âme se dirigeait vers ce lieu qui l’avait appelé. Elle le trouverait, sans aucun doute.

Et elle le trouva. Ses vêtements de citadin trop décontractés, ses lunettes sales sur le nez et le regard mauvais, il avait déboulé dans l’hôtel pour ensuite se diriger sans que personne ne s’oppose à lui. La vieille femme avait fait vite, et se retrouvait maintenant à chercher plus précisément de quelle chambre pouvait bien provenir le message. Ce ne fut pas bien dur de trouver la belle concentration de fantômes aux alentours de l’une des salles. Eux aussi avaient dû être happés par cet appel.
Sans formalité aucune, la main de Gabriel se posa sur la poignée, et il ouvrit soudain la porte dans un grand fracas. L’obscurité du lieu restait mystérieuse à des yeux humains qui ne s’étaient pas encore habitué aux ombres.

« Qui a fait ça ?! » Grogna-t-elle rageusement, de son timbre masculin teinté d’une légère féminité menaçante.

S’il n’était pas sacrifice, le sang était là. Juste sur les lèvres de l’intrus, baignant son menton ainsi que son palais… Il avait cessé de couler, peignant l’homme d’une face plus mauvaise encore que s’il avait seulement été en colère.
La vieille femme se tenait toujours dans le rectangle de la porte, entre ombres et lumière, alors que les formes se matérialisaient petit à petit devant ses yeux ; Son cœur battait fort, sa respiration était longue et difficile… Pourtant le chemin n’avait pas été bien long jusqu’à cette chambre…

L’invocation est un art que peu de sorciers ou de médiums peuvent parfaitement manipuler, en effet le rituel demandé est très complexe, et demande un état d’esprit parfait. Et le sorcier John Evans ne cumulait pas les conditions, et cela résultat le semi échec de sa tentative d’invoquer le sorcier qu’il connaissait autre fois. Au lieu de ce dernier, John s’était retrouvé avec un individu assez troublant. L’esprit s’était manifesté en étant assit sur un fauteuil, il arborait une tenue d’un blanc immaculé qui contrastait avec l’humeur maussade de la pièce.

L’homme en blanc s’adressa au sorcier d’un ton jovial, lui demandant la raison de son invocation. John était assez déçu de ne pas avoir réussi à invoquer l’esprit, mais la subtilité de son vis-à-vis l’avait quant même bien intrigué : « Je dois avouer que vous n’êtes pas la personne que j’attendais, mais soit, je ne peux m’en prendre qu’à mon insignifiante connaissance dans ce domaine bien particulier…Enfin ! Je me présente, je me nomme John Evans. A qui ai-je « l’honneur » ? » Avait il terminé son interrogation avec un léger sourire.

C’est alors que le sorcier sentit quelque chose d’étrange, il n’arriva pas à définir son sentiment surpris en voyant la porte de sa chambre fracassé par un jeune homme brun à lunette, ce dernier était fou de rage et avait posé une question que n’avait pas compris l’Evans : « Qui a fait ça ? » Mais de quoi parlait il se demandait le jeune John, c’est alors qu’il constata que l’homme abritait deux esprits, mais en quoi cela avait une relation avec le sorcier : « Je ne vous comprends pas, de quoi parlez vous ? »

[Désolé pour le petit post]

A peine le sorcier avait-il eu le temps de demander à Hesperus son identité que la porte de la chambre s’ouvrit en trombe. Une vieille femme se trouvait dans l’encadrement, essoufflée comme après une longue course. Hesperus mis quelques secondes à se rendre compte qu’il distinguait là un esprit. Sous sa forme désincarnée, il percevait le monde des Ames avec plus de discernement que la réalité matérielle. Il lui fallu se concentrer pour que la vieille dame laisse place à un jeune homme aux cheveux bruns, le teint pâle, visiblement mal en point avec son menton couvert de sang séché.

Il, ou plutôt, elle en l’occurrence, puisque c’était l’esprit de la femme qui semblait contrôler ce corps était dans un état de rage qui frôlait la folie. Des flammes semblaient brûler dans ses yeux, même à travers les petites lunettes qui les dissimulaient. Hesperus resta attentif lorsqu’elle « posa » sa question, d’une intonation qui ressemblait plus à un grognement qu’autre chose. La réponse du sorcier le laissa pantois. Il ne comprenait pas ? Il était pourtant évidement que son invocation était un fiasco total, qui avait certainement dérangé une grande partie des esprits de la ville entière, selon lui.

De nos jours, il était recommandé, parmi les sorciers des temps modernes, d’éviter d’invoquer les esprits sans expérience préalable. Les inviter, leur demander poliment leur aide, mais l’invocation était un art dont les subtilités avaient été perdues depuis bien longtemps. Autrefois, les sorciers savaient invoquer précisément tel ou tel esprit, et savaient le faire avec douceur. Aujourd’hui, une invocation mal préparée résultait à ce désordre. L’invocation frappait au hasard, et non sans brutalité. Hesperus détestait être tiré de son quotidien ainsi, et fort heureusement, cela faisait bien longtemps qu’il n’avait plus été invoqué. Enfin, bien longtemps, avant ce soir là.

- Vous ne savez pas ? Vous ne comprenez pas ?, Hesperus, qui parlait d’un ton condescendant, fit une pause, dévisageant le sorcier. Vous êtes celui qui a réalisé une invocation, ce soir, malgré votre incompétence évidente. Vous êtes donc responsable de la panique causée dans le monde des esprits.

Il fit une nouvelle pause. Regardant autour de lui, il repéra la porte de la salle de bain. Quittant son fauteuil, il s’en approcha rapidement, attrapa une serviette propre, et la jeta au jeune homme. Hesperus n’aimait pas la vue du sang, même s’il lui arrivait, par ses vœux, de le faire couler. Retournant à son fauteuil, il reprit place, et croisa les jambes. Il n’aimait pas être loin de son corps, car sa matérialisation était faible et erratique sans ce support physique. Il lui avait fallu se concentrer pour prendre la serviette, et cela n’allait pas arranger son humeur.

- Quant à mon identité, j’estime qu’il ne m’est pas utile, pour le moment, de vous la révéler. Il y a de toutes manières peu de chances que cela vous évoque quoi que ce soit. De plus, la moindre des politesses, en tant qu’hôte, est de vous présenter en premier…

La rage fixait son unique attention en direction du sorcier. Il était la source du ‘malheur’ qui s’était abattu sur Gabriel. L’homme se tourna, avant d’énoncer une réponse que la vieille femme n’aurait jamais pu imaginé en de telles circonstances. Certes le sorcier ne connaissait nullement toutes les répercutions de son acte, mais la colère n’est pas sœur de jugement, au sein d’un esprit ébranlé. La vieille femme voulu répliquer aussitôt mais elle eut à peine le temps d’ouvrir la bouche qu’une voix inconnue sortit de la chambre obscure. Aussi la colère s’effrita légèrement sous la surprise.
Dire qu’un Homme se trouvait là serait certainement mal approprié. Il était esprit plus que matière, et ciel, on aurait pourtant juré qu’il était humain. Il semblait d’ailleurs bien informé sur la situation actuelle… Lui aussi avait dû être entraîné ici, peut-être bien était-il le principal intéressé par cette ‘convocation’. Sa posture était à la fois légère et posée, sa propre matérialisation était parfaitement contrôlée. Inutile donc de préciser qu’il ne devait pas être le petit esprit paumé du coin de la rue…

Cette première étude du personnage laissa Gabriel muet sur l’instant. L’esprit se leva, la vieille femme le suivit du regard… Quelle maîtrise de sa personne il avait.
Une serviette humide coupa bientôt à cette observation, jetée à la vue du dernier sur les lieux. Celui-ci l’attrapa machinalement, avant de la plaquer contre son visage rouge de sang. La vieille se rappelait maintenant de son propre état, enfin, de l’état de ‘Gabriel’, et cette simple pensée activa ses doigts à retirer le sang séché. Elle prendrait soin de ce corps, jusqu’au retour certain de son principal occupant.
Elle inspira un grand coup afin de se calmer. L’angoisse était toujours là, brûlante au creux de son estomac, mais elle ferait de son mieux… La serviette était à présent bien rougie. Gabriel la garda en main avant de s’avancer pour refermer la porte dans son dos.

"Je ne sais pas si vous le sentez, mais il y a bien des choses qui se sont regroupées dans le coin. Et je vous assure que ça n’a rien d’humain." Grogna-t-elle d’un ton légèrement plus posé que sa question première. On pouvait tout de même sentir l’évidente humeur massacrante qui régnait dans le timbre masculin.
Après avoir confirmé les dires de l’esprit, la vieille femme s’adossa contre un mur proche de l’entrée. Il n’était pas question de se mettre à l’aise, pas avant d’avoir des réponses concrètes à ses problèmes.

"Personnellement, je me fiche pas mal des politesses, pour l’instant…"
Son regard se tourna vers l’invocateur.

"Si vous êtes capable de mettre cette pagaille parmi les non-matériels, alors vous allez pouvoir m’aider à défaire ce que vous avez fait."

Ce n’était pas une demande, mais une affirmation. Cependant, la vieille femme savait pertinemment qu’il était bien plus difficile de mettre de l’ordre que de le chambouler. Et si le sorcier détruisait irrémédiablement tout ce qui restait de Gabriel, fragile flamme endormie au plus profond de son propre corps ? La peur et l’angoisse froissaient la vieille femme aux tripes, la faisant frissonner l’espace d’un instant.

Si elle avait gardé près d’elle la serviette tachée de sang, c’était pour une étrange raison. Elle se méfiait de ces livres de la dénommée Anne Rice. L’invocateur était peut-être bien un sorcier… Et si tel était le cas, il n’était pas très judicieux de lui laisser à portée une jolie petite quantité de sang frais.
L’esprit de la vieille femme travaillait à toute vitesse. Elle se sentait intimement changée par ce corps dont elle prenait le contrôle. Progressivement, elle se sentait rajeunir de bien de années, retrouver ses vingt-quatre ans et son esprit calculateur…
Elle se méfiait de l’homme qui avait pu provoquer un tel chaos. Il n’était pas bien raisonnable de lui confier la sécurité de Gabriel. Mais qui, à part lui, pourrait l’aider ? Une réponse hésitante commençait à se frayer un chemin…