Une Virée Nocturne [PV Violette]

Il était l'heure... Vrooom ! Le moteur d'une moto rugit dans la nuit, le chevalier des ténèbres descend à plein régime une avenue à quatre voies bordées de maisons. Il était l'heure. Il ne se retourne pas mais sens les corps soudainement extirpés de leur sommeil maudire les jeunes de n'avoir plus aucun respect en ces temps. Il en aurait rit. Jeune ? Il avait deux cent onze ans, hum... que les gens sont blessants ! Ils ne savent pas combien ça peut vexer. Enfin passons. Il était l'heure... l'heure de quoi au juste ? Tu nous baratines avec ça depuis le début, auteur ! L'heure... de manger. De se sustenter, d'aspirer l'essence vitale d'une femme ou d'un homme, de préférence une femme ce soir, et d'en sentir le parfum si délicieux si revigorant sur la langue, le sentir glisser dans la gorge, réchauffer les parcelles de tissus musculaires... La tête lui tournait d'avance. Il était comme un animal sauvage en quête d'une proie parfaite. Et là ! Il suffisait de demander ! Une jeune femme tout à fait jolie sortait de sa voiture.

Il s'arrêta derechef devant elle, peu importe qu'elle soit effrayée, le sang arriverait plus vite à sa bouche.

- Bonsoir ma jolie, qu'est-ce que tu fais toute seule à cette heure ci ? Y a de drôles de chats qui trainent par ici... faut faire attention. Ce serait dommage qu'il arrive malheur à une aussi jolie demoiselle.

Il termine par un large sourire affamé qui, il sait, met en valeur les canines qui lui servent de crocs. L'arme la plus fatale du vampire. Il ne la laissa même pas prendre peur et comprendre ce qu'il lui arrivait. Pauvre William, dans sa soif, il n'avait même pas scruté l'esprit de Violette, il bondit sur elle et l'attira à lui. Il la prit violemment entre ses bras et maintint sa prise tellement fort qu'il se pouvait qu'elle étouffe alors même qu'elle se vide de son sang. William planta ses crocs avec un plaisir non dissimulé. Il aspira et se sentit bientôt comme l'enfant taitant sa mère, choyé et berçé par le goût, la langue contre la peau si douce cheminant dans les petits trous pour en saisir toute la saveur. Puis, là, comme d'habitude, le sang porteur de savoir, porteur de l'âme, celui qui dit tout, lui enseigna son prénom, son nom, le prénom de son père qu'elle allait justement voir, son adresse, sa vie, son... son... lieu de travail. Il releva soudainement la tête et avala sa dernière gorgée presque avec regret en la lâchant, cruellement affaiblie.

- Merde ! Tu pouvais pas le dire que t'étais quelqu'un d'important !

C'était une des personnes qu'il avait prévu de rencontrer sans trop faire... de dégâts. Il se mit à rire. Après tout, elle vivrait... Et il s'était nourrit suffisamment pour laisser la bête dormir un peu jusqu'au lendemain. C'était une bonne soirée qui s'annonçait. Il lui tendit la main, un sourire serein perché sur ses lèvres fines, comme de rien était. C'en était presque comique...

- De l'aide ?

Elle avait les prunelles sombres, mais sans doute était-ce sa pupille qui s'était soudainement dilatée. Ses cheveux, un peu ébouriffés par la violente étreinte étaient d'un châtain très foncés. Ses yeux étaient, grand ouverts, avaient la particularité de faire passer une quantité d'émotions incroyables. Et ses lèvres, un peu exsangue à cause du dernier évènement étaient pleines et pulpeuses. C'était une bien jolie femme. Au physique un peu enfantin. Mais idiot était celui qui oserait la considérer comme telle.

Violette n'en revenait pas. Encore en contact avec le sol froid du trottoir, elle émergeait de sa récente transe. Le vampire lui avait pris pas mal de sang et elle n’aurait pas eu la force de le repousser. Comment avait-elle pu se laisser surprendre aussi facilement par un vampire ? C'était inacceptable pour la directrice du Talamasca ! Elle savait pourtant qu'à chaque instant il fallait se méfier de toutes les personnes qui croisaient son chemin. Même quand il n'y avait personne à l'horizon, le danger rodait. A quoi bon avoir étudié les vampires si elle n’arrivait pas à en repérer un quand il se présentait.

Son coeur battait à tout rompre, encore sous le choc de l'étreinte qu'elle venait de subir. Elle était affaiblie par la quantité de sang qu'elle venait de perdre, mais qu'à cela ne tienne, elle devait se ressaisir rapidement et rester sur ses gardes face à ce vampire. Manifestement, il s'était arrêté dès qu'il avait su qui elle était. Mais même si elle était sauve pour l'instant, il restait possible qu'après avoir obtenu ce qu'il voulait, le vampire ne se montre pas aussi clément. Que voulait-il d'ailleurs ? Violette allait bientôt le savoir selon toute vraisemblance. S’il ne l’avait pas tuée, c’est qu’il avait soit peur d’être traqué, soit qu’elle pouvait lui être utile. Dans les deux cas, elle restait tout de même vulnérable.

Un peu étourdie et méfiante, elle accepta tout de même la main qu'il lui tendait. Pourquoi refuser de l'aide quand on en avait bien besoin ? Elle se releva tant bien que mal avec l'aide du vampire. Dès qu'elle fut debout, elle recula d'un pas pour mettre un peu de distance entre elle et lui, de façon à pouvoir se défendre au cas où. On n'était jamais trop prudent. Elle ne ferait pas les mêmes erreurs que par le passé quand elle enquêtait avec son frère. Le prix à payer pour ce genre de risques était trop lourd.

Elle leva la tête et fixa son interlocuteur. Il n'était visiblement pas très vieux. Trois cent ans au plus. Les anciens vampires avaient une peau plus blanches, qui ressemblait presque à de la pierre. Celui-ci ressemblait encore assez à un humain pour passer aisément inaperçue parmi eux. Avec son look, on l'aurait même pris pour un humain de ce siècle. Mais Violette n'était pas dupe. Elle savait remarquer les détails qui échappaient au commun des mortels. Ce qui la chagrina d'autant plus, car elle n'aurait pas pu se laisser surprendre. Surement son père l'avait trop préoccupée et elle avait relâcher sa vigilance. Elle ne le ferait pas deux fois.

Elle inspira un grand coup, se redressa comme à son habitude et fronça légèrement les sourcils ce qui lui donna une attitude presque cynique.

"Merci... Euh... Qui êtes-vous vampire ?" Elle marqua une courte pose. "Et que voulez-vous, à part boire mon sang ?"

William la souleva comme s'il avait s'agit d'une plume et l'approcha tout proche de son corps. La jeune humaine recula de suite, et le vampire s'en amusa, élargissant ses lèvres en un sourire provoquant. Merci, dit-elle. William eut un petit rire grave et répondit, se passant la langue sur les lèvres, le goût de son sang encore bien présent dans sa bouche :

- Mais de rien, ce fut un... plaisir.

William tira de sa poche intérieure son paquet de clopes ainsi qu'un briquet et alluma une cigarette, il tendit le paquet ouvert à Violette pour lui en proposer une, à elle de refuser ou d'accepter, puis il rangea le tout. Elle se mit à l'observer soigneusement, évaluant son âge, sa méthode même pour se fondre dans la populace. Elle se sentit même honteuse d'avoir pu se laisser berner si facilement. William sourit en la voyant tenter de reprendre contenance, et elle y arriva d'une façon tellement... risible. Pourtant, elle était parfaite dans son rôle de tenancière du Talamasca. Elle arriva à reprendre parfaitement pied. La tête devait lui tourner légèrement, mais elle parlait vivement, et ce sans peur apparente.

- Ce que je veux, mmmh. Bien je le savais il y a de ça quelque seconde. J'ai faim, dit-il en laissant apparaitre ses canines dans un sourire peu rassurant, je veux avant tout me divertir. Après les façons de me divertir son divers et variées... Sinon, qui je suis ?, ajouta-t-il sur le ton de la conversation, ohm, il tire sur sa cigarette, bien je vous ai laissé un paquet il n'y a pas très longtemps... Ça vous dit peut-être quelque chose ? Violette Merridew.

William modifia les données de son aura. Si Violette avait pu la sentir plus ou moins forte, il la fit silencieuse, comme s'il n'avait jamais été là. Sans doute l'extralucide le sentirait-elle, même si elle ne comprenait pas pourquoi ni comment.

- Ça tombe bien, je voulais vous rencontrer. J'aurai plus opté pour un divan et un feu de cheminée, si vous avez mieux à me proposer, d'ailleurs.. ce serait plus... « divertissant ».

Il jeta un regard sur la maison qui la plus proche, dévoilant l'idée de s'y installer pour discuter.

- Je promets de ne toucher ni votre père ni même un seul de vos cheveux...

Trop rapidement pour que Violette puisse évaluer son geste, il s'approcha d'elle et caressa l'une de ses mèches brunes pour revenir à sa place.

- ... Dans un but préjudiciable, ajouta-t-il sur le ton le plus doux qu'il ait pu avoir.

Avait-il réellement bougé ? La sensation sur sa nuque avait-elle été réelle ? Etait-il vraiment là ? Il ne dégageait rien... William s'employait, évidemment, à la mettre dans une situation étrange et déroutante afin de voir comment l'humaine qui dirigeait une entreprise aussi colossale et prétentieuse que le Talamasca se débrouillait. Autrement dit, il la testait. Ne lésinant pas sur les sous-entendu douteux et les sourires dévoilant ses belles dents de carnassier.

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