Refuge pour une nuit...

(Précédemment)



C'était une petite zone résidentielle relativement calme et sans signes distinctifs particuliers. Le taxi les déposa devant un immeuble de trois étage. Vayne régla la note. Beth regardait autour d'elle, cherchant à se situer. La banlieue de Los Angeles. Ses parents ne devaient pas habités bien loin, mais elle ne connaissait pas ce quartier là, ni cette rue là. Ce décor ne lui disait rien. Tout lui avait l'air d'un endroit paisible, sans histoire, avec des familles heureuses derrière les portes de leur maison. Son nouveau compagnon l'entraîna vers l'immeuble. Une simple porte pour entrée, pas de portes vitrées en tourniquet, le sol était recouvert de moquette carmin-bordeau, le mobilier en bois style roman. Beth trouvait à ce bâtiment un côté chaleureux et cosi... sans doute du à cette décoration sobre et naturelle. Ils se rendirent au troisième étage. Sans vraiment le vouloir, Beth remarqua que malgré l'heure, il y avait encore des gens debout. La lumière flitrait en dessous des portes. On pouvait entendre parfois le bruit d'une télévision ou d'une conversation.
Elle s'arrêta au milieu du couloir et observait une peinture accrochée au mur. Elle pouvait y voir un paysage marin : une falaise, un phare, le mer déchainée se jetant contre les rochers, donnant naissance à une puissante écume. Le ciel était gris noir, nuageux, tempêtant. L'artiste laissait son regard aller d'un bout à l'autre de la toile, se demandant parfois quelle technique le peintre avait employé ou en reconnaissait. Là, la peinture était épaisse. Là, elle avait du être plus diluée.
Le cliquetis d'une serrure la ramena dans l'immeuble. Tournant la tête, elle vit Vayne l'inviter à entrer. Elle ne se fit pas plus prier.

L'appartement suivait la ligne de conduite du bâtiment. Simple et moelleux. La moquette la marquait. Beth n'en avait pas chez elle. Il y avait une petite entrée. Sur sa droite, deux portes. Un peu plus loin, elle arriva dans la cuisine qui était séparée de la pièce principale par un bar. Dans cette grande pièce à vivre, on pouvait y trouver le mobilier habituel : canapé, fauteuil, meuble télé (avec la télé dedans, quand même), table de salon, les chaises avec, vitrine, buffet, etc...
La porte claqua et Monsieur Vayne passa s'asseoir dans le canapé... Il s'y jeta plus qu'il ne s'y assit. Apparemment, il devait être fatigué. Beth le vit souffler.

"Cela vous ennuie si je prends ma douche maintenant et qu'on parle ensuite ?"demanda-t-elle avec l'espoir d'une réponse positive.

"Et euh.... si vous auriez un change ou quelque chose..." poursuivit-elle un peu moins sûre d'elle lorsqu'elle se dit qu'après une longue semaine passée dans les même vêtements, même si elle se lavait, si elle les revêtait à nouveau, l'effort serait ruiné.

Lorsqu'elle entra dans la salle de bain et qu'elle verrouilla la porte derrière elle, Beth soupira profondément. Elle allait enfin pouvoir profiter pleinement d'une salle de bain sans se préoccuper de se faire surprendre par le ou la propriétaire des lieux. Elle déposa son sac et avisa les lieux. Tout ce qu'il y avait de plus classique : baignoire, douche avec porte solide, lavabo, miroir, petite armoire et grande armoire. Elle fouilla un peu et trouva un peignoir et des serviettes, ainsi que les produits tel que shampoing et gel douche. Elle en ouvrit quelque uns à la recherche d'une senteur qui lui conviendrait. Ce n'était pas parce qu'elle avait passé plus de deux à trois semaine avec "eux" qu'elle en avait oublié ses manières, ni ses manies.
Trouvant odeur à son goût, elle les plaça dans la douche et se dévêtit. Ca lui fit tout bizarre dans un premier temps. La chaleur de son sweat et le confort de son jean lui manquèrent instantanément dans la fraîcheur de la pièce mais en même temps, c'était comme si elle se débarassait de son ancienne peau, prête à s'en créer une nouvelle. Pliant ses affaires près de son sac, elle entra finalement dans la douche et fit couler l'eau chaude sur sa peau. La jeune femme soupira d'aise. *Un véritable délice. Le bonheur à l'état pur.* pensa-t-elle en se laissant submerger par la vague de chaleur que lui offrait l'eau. Beth s'attarda un long moment à faire couleur l'eau sur son visage, planquant ses cheveux en arrière, frottant ses yeux, ses joues. Au bout d'un moment, elle se décida à se laver et saisit le shampoing.

Dix minutes plus tard, elle sortit enfin de la douche et attrapa le peignoir en éponge dont elle s'habilla. Elle attrapa ensuite une des serviettes chaudes posées sur le radiateur et s'appliaqua à sécher au maximum l'eau de ses cheveux. Elle laissa échapper un puissant soupir d'aise lorsqu'elle releva la tête, ses cheveux se remettant en place, sa frange ayant tout de même des allures de mèches folles.
Beth alla se regarder dans le mirroir et ce qu'elle y vit lui plu. Elle était de nouveau elle-même. Enfin dans un sens. Disons qu'elle était plus propre qu'avant, ce qui était en soit une évidence après une douche... La jeune femme soupira et eut un sourire en coin. Elle était surtout détendue maintenant.
Puis elle jeta un coup d'oeil à la porte et son anxiété refit surface en un joli "pop".
Maintenant, elle devait faire face à cet homme et à sa curiosité tout à fait normale après le show involontaire qu'elle lui a offert un peu plus tôt dans la soirée.

*Mais avant ça, vêtements.*

Elle se dirigea vers la grande armoire, celle où elle avait trouvé le peignoir et les serviettes, et en étudia le contenu. Pas l'ombre d'un vêtement... qui n'étaient point des pyjamas.

*Et zut !*

Beth prit alors ses affaires et les fourra comme elle put dans son sac. Manquerait plus qu'il voit ses sous-vêtements...

Vayne Tuesli. Ce type était... canon. Beth resta un moment figée à fixer la poignée de la porte tout en pensant au garçon qui l'attendait dans le salon. Ca faisait très... "première fois"... Et Beth n'était pas sûre d'aimer cette idée. Pas que Vayne n'était pas à son goût ! Au contraire ! Un grand brun aux yeux clairs (bon couleur bizarre, mais ce n'était pas bien de juger quelqu'un sur une mutation génétique visible), mâchoire carré, sûrement musclé d'après observation du décolté et un certain charme. Non. Franchement, rien de désagréable à regarder. Maiiiis elle venait à peine de le traverser ! On ne pouvait pas sauter du coq à l'âne comme ça ! On n'était pas dans une sitcom.

Se convainquant de ne pas tomber dans le cliché du "Elle tomba amoureuse de son sauveur. Il tomba amoureux de sa protégée" Beth dévérouilla la porte et sortit enfin de la salle de bain.

*Note pour moi-même. Ajouter teint cadavérique à la description de Vayne.* pensa-t-elle lorsqu'elle l'eut de nouveau en ligne de mire, profitant du fait qu'il lisait un livre pour capturer le plus de détails possibles. Défaut d'artiste.

Elle déposa son sac près du canapé et alla s'asseoir à l'autre bout, histoire de ne pas s'asseoir sur ses genoux non plus.


Bon, ben voilà. Nous y sommes. Moment de vérité hein ?... Alors dans le manuel de la parfaite Shadowcat, comment annonce-t-on à son sauveur qu'on peut passer à travers toutes matières tangibles ? Hum ? Comment ça y'a aucun chapitre dessus ?
Beth se tordait les doigts, incapable de faire le premier mouvement. Mais elle n'eut pas longtemps à attendre avant qu'il ne passe à l'attaque. La patience n'était pas son fort. A moins que ce ne soit la curiosité ? Beth ne pouvait pas le blamer pour ça. Avez-vous déjà rencontrer quelqu'un qui vous ai traversé ? Littéralement ? Et vous ne vous êtes jamais dit que ce n'était pas normal ? Ah bah vous voyez bien !

Vayne observa la jeune femme tandis qu'elle s'asseyait avec circonspection à l'autre bout du canapé, l'air plutôt gêné, il ne savait trop pourquoi. Considérant la théière, il en remplit une tasse et la proposa à sa protégée du soir.

- Bois ça, ça te fera du bien. Même si t'aimes pas.

Elle but le thé - brûlant - sans émettre la moindre protestation, par timidité ou pour ne pas l'offenser, il n'en avait aucune idée. Ils restèrent un bref instant silencieux, l'une tâchant de boire son thé sans se brûler, l'autre réfléchissant à la manière dont il pourrait l'interroger. Finalement, il prit une décision.

- Je crois que nous n'avons pas été présentés dans les règles, commença-t-il. Je m'appelle Vayne Tuesli, comme tu l'as appris au port, et je suis archiviste pour le compte d'une espèce d'organisation qui s'occupe de l'étude des manifestations surnaturelles partout dans le monde.

Une pause, pendant laquelle il but une gorgée de sa propre tasse, observant les réactions de la jeune fille.

- J'étais parti enquêter sur la disparition d'un de mes assistants, suite à un vol de documents d'une importance capitale, quand je suis tombé sur toi. J'ai l'habitude de croiser des gens curieux là où je travaille, mais tu sors du lot. Probablement pour ça que je suis intervenu.

Il fronça les sourcils, se remémorant le moment où il avait rencontré Beth. Ceux qui la poursuivaient étaient des Surnaturels, il n'en doutait pas une seconde, mais pour quelle raison tenaient-ils tant à la récupérer ?

- Dans le jargon, on appelle les humains comme toi des "médiums". Rien à voir avec les fantômes, c'est juste tous les gens qui naissent avec des pouvoirs bizarres, mais qui sont humains quand même. D'ailleurs faudra qu'on m'explique un jour pourquoi ils sont différenciés des sorciers...

A nouveau, il se surprit à dévier du sujet originel, pris à digresser sur des problèmes sans importance pour le moment, et secoua vivement la tête pour se forcer à garder les idées bien claires. Pas une seconde, cependant, il ne réfléchit au fait que ses propos avaient peut être un certain effet choquant sur la jeune fille qui n'avait peut être pas envisagé qu'il puisse exister des gens ne rentrant pas dans la catégorie "humain" avant qu'il n'en parle...

- Hum, pardon. Si j'ai bien capt... heu, saisi, tu fais dans le passe-muraille, mais ce que je n'explique pas, c'est le fait que d'autres Surnaturels te pourchassent et que tu donnes l'air d'avoir passé un bon moment à traîner dans les rues au lieu d'aller à la fac comme toute gam... jeune fille de ton âge. Si tu pouvais m'éclairer...

Du thé. Elle n’en avait jamais bu avant. Ou bien une gorgée dans la tasse de sa grand-mère et Beth se souvint qu’elle n’avait pas trouvé ça folichon. Mais bon, elle n’allait pas refuser ce geste. Et puis, si ca se trouvait, ce n’était pas si mauvais que ça. Lorsqu’elle but sa première gorgée, elle se retint de justesse de recracher le tout, se contentant d’avaler cul sec le liquide brûlant. Elle le sentait extrêmement bien passer. Ce devait être la première fois qu’elle sentait aussi bien son œsophage et le trouva incroyablement long.

« Chaud chaud chaud… » murmura-t-elle en haletant discrètement. Fallait pas le vexer non plus. Lui le buvait comme du petit lait. Beth prit sur elle et continua à boire le thé par petite gorgée, habituant son palais à la chaleur du liquide.

Ainsi occupée, la demoiselle trouva cet instant comme un répit salutaire, le temps d’organiser sa pensée afin d’être la plus claire possible auprès de son voisin. Celui-ci se décida à reprendre la parole, sûrement devant le manque de motivation de Beth.

- Je crois que nous n'avons pas été présentés dans les règles, commença-t-il. Je m'appelle Vayne Tuesli, comme tu l'as appris au port, et je suis archiviste pour le compte d'une espèce d'organisation qui s'occupe de l'étude des manifestations surnaturelles partout dans le monde.

Hochant la tête en signe d’acquiescement, Elizabeth se dit qu’elle devait également se présenter convenablement. Et sans bégayer de préférence…

- Je m’appelle Elizabeth-Grace Gordon. J’étais étudiante en art, il y a peu… Maintenant… on peut dire que je suis une fugitive…

Lorsqu’il reprit la parole et parla du vol, Beth baissa immédiatement la tête et rougit violemment. Rougeur qui ne passait pas inaperçu de part le teint naturellement pâle de la demoiselle. Or, ce rougissement pouvait être aussi interpréter par une gêne du fait qu’il ait quand même dit une sorte de compliment. Elle sortait du lot et de ce fait, l’intéressait. Dans le jargon d’Elizabeth, ca s’appelait un compliment. Elle en recevait tellement peu qu’elle savait les reconnaître. Enfin, le croyait-elle.

- Dans le jargon, on appelle les humains comme toi des "médiums". Rien à voir avec les fantômes, c'est juste tous les gens qui naissent avec des pouvoirs bizarres, mais qui sont humains quand même.

Le reste se perdit dans un murmure digne de ce qu’elle était capable de produire. Aurait-elle de l’influence ? Nooon ! Pas à ce point quand même. Beth savait très bien qu’elle n’avait pas ce pouvoir, ce don sur les gens. Tout au plus s’ils arrivaient à se souvenir d’elle.
Mais l’information la plus intéressante était qu’elle n’était pas la seule dans son cas. Il en existait d’autres qui tout comme elle possédait des dons qui les mettait à part, hors des rangs de l’humanité régulière. Elle faisait partie d’un groupe, elle faisait partie des…

-Médium... répéta-t-elle pour bien le retenir.

Cet homme était archiviste dans une organisation, si elle s’en souvenait bien. Donc il avait accès à d’autres informations. Peut-être pouvait-il plus lui en apprendre sur ses pouvoirs. La curiosité était un vilain défaut, mais tellement humain aussi…

-Hum, pardon. Si j'ai bien capt... heu, saisi, tu fais dans le passe-muraille, mais ce que je n'explique pas, c'est le fait que d'autres Surnaturels te pourchassent et que tu donnes l'air d'avoir passé un bon moment à traîner dans les rues au lieu d'aller à la fac comme toute gam... jeune fille de ton âge. Si tu pouvais m'éclairer...

La tasse chaude entre ses fins doigts, Beth regarda encore un moment le liquide brunâtre avant de relever la tête et rencontrer le regard carmin de Vayne. Inspirant un grand coup, elle se lança :

-Oui je suis une passe-muraille. Dans le même genre que Kitty Pride si vous voyez. Shadowcat… les X-mens ? Désolée…
Pour tout vous dire, je peux passer à travers toutes les matières : solides, liquides. Par exemple, s’il pleut et que je ne souhaite pas être mouillée, bah je peux. J’arrive aussi à déphaser les gens. Il suffit que j’entre en contact avec eux. Je leur tiens la main par exemple. Ensuite, j’ai juste à me concentrer.

Elle parut réfléchir un instant avant de rajouter :

-Il m’est arrivée une fois de flotter. Vous savez. Dans les airs. Je flottais. Puis après je suis tombée. Mais juste l’espace d’un instant, je flottais… C’était… bizarre comme sensation.

Elle s’accorda une petite gorgée un peu moins brûlante avant de continuer sur un ton plus sombre :

-Ces types. Un jour, ils sont apparus de nulle part et ils m’ont kidnappée. Ils étaient au courant de ma particularité. C’est pour ça que j’ai passé ces 15 derniers jours dans des taudis. Parce que je n’étais pas normale. Pas comme les autres.

Elle enchaîna rapidement, comme exaltée par le thé ou bien par une sorte de révolte intérieure qui devait être exprimée d’une manière ou d’une autre :

-Je vous vois venir. Pourquoi ne me suis-je pas échappée alors que, de tous les pouvoirs, le mien me rend absolument libre ? Mais où est la liberté lorsqu’ « ils » menacent votre famille ou vos amies de représailles si vous tentez quoique ce soit ? S’ « ils » vous menacent de les tuer si vous preniez la fuite ?
Je n’ai pas voulu partir. C’est arrivé… par accident. Je me suis retrouvée éjectée de la voiture sans m’en rendre compte. Lorsque je me suis réveillée, j’étais dans les égouts et j’étais seule. Et je ne me voyais absolument pas essayer de les retrouver. Je savais que ma « disparition » ne serait pas sans conséquence. Et j’avais… peur. Peur pour moi, pour mes proches. Je… Je ne sais pas quoi faire. Je ne veux pas y retourner ! Je ne veux pas redevenir une criminelle ! Mais je ne veux pas qu’ « ils » fassent du mal au mien…

Des gouttes tombèrent dans la tasse de thé en un ploc répétitif.

-Je ne sais pas quoi faire…